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Oct

Retailleau effacé : tournant possible dans les relations algéro-françaises

Le départ de Bruno Retailleau du ministère de l’Intérieur français marque peut-être le début d’un réajustement nécessaire dans les relations entre l’Algérie et la France. En un an à peine, Retailleau aura réussi à braquer Alger, à déstabiliser la diplomatie française et à transformer un dialogue en crise ouverte.

Son successeur, Laurent Nuñez, connaît bien la complexité du lien algéro-français. Né à Paris de parents originaires d’Oran, qu’ils ont quittée en 1962, il évoque souvent son attachement personnel à l’Algérie. Ses proches décrivent un homme mesuré, conscient des blessures de l’histoire et désireux de « reconstruire une relation de confiance durable ». Cette approche tranche radicalement avec celle de son prédécesseur, dont les positions idéologiques et la rhétorique agressive ont gravement nui aux rapports bilatéraux.

Retailleau, symbole d’une diplomatie arrogante et déconnectée

Sous Bruno Retailleau, le ministère français de l’Intérieur a multiplié les provocations à l’égard d’Alger. Ses déclarations à répétition sur la « fermeté migratoire » et sa volonté de « sanctionner » l’Algérie pour son refus de délivrer des laissez-passer consulaires ont heurté les autorités algériennes et nourri un climat de méfiance.

Pire encore, Retailleau s’est illustré par des prises de position ouvertement hostiles à l’Algérie et à ses dirigeants, allant jusqu’à s’en prendre au président Abdelmadjid Tebboune dans des propos jugés irrespectueux par de nombreux observateurs. Ces sorties, condamnées même dans certains cercles gouvernementaux français, ont conduit à une véritable rupture de confiance entre les deux capitales.

Selon plusieurs sources diplomatiques, c’est cette attitude provocatrice qui aurait fini par exaspérer Emmanuel Macron. Le président, désireux de renouer avec Alger, aurait vu dans le maintien de Retailleau un obstacle majeur à toute normalisation.

L’épisode le plus révélateur reste sans doute l’inculpation, quelques jours seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères à Alger en avril dernier, d’un agent consulaire algérien à Paris dans l’affaire dite « Amir DZ ». Officiellement, la France a invoqué « l’indépendance de la justice ». Mais selon plusieurs sources proches du dossier, cette procédure aurait été encouragée, voire orchestrée, par des membres du cabinet de Bruno Retailleau.

Ce coup de force judiciaire a été perçu à Alger comme une humiliation délibérée et a torpillé des mois d’efforts diplomatiques menés pour rétablir un dialogue constructif. La manœuvre a aussi fragilisé la crédibilité du ministère français des Affaires étrangères, marginalisé par un ministre de l’Intérieur déterminé à imposer sa ligne politique, au mépris de la cohérence de l’État français.

Sahara occidental, la faute diplomatique majeure

À cette tension s’est ajoutée la décision du 30 juillet 2024, quand Emmanuel Macron a publiquement soutenu la position marocaine sur le Sahara occidental, balayant les résolutions de l’ONU qui reconnaissent le droit des Sahraouis à l’autodétermination. Ce choix unilatéral, applaudi à Rabat mais condamné à Alger, a été interprété comme une rupture avec la tradition diplomatique française de neutralité sur ce dossier sensible.

L’Algérie, fidèle à une approche fondée sur le droit international, a alors dénoncé un double discours français : celui du dialogue d’un côté, et celui de l’ingérence et du mépris de l’autre.

Vers une réconciliation possible ?

Le départ de Bruno Retailleau a donc valeur de signal. Son éviction traduit la lassitude du chef de l’État français face à un ministre devenu incontrôlable, dont les excès médiatiques et le ton anti-algérien ont gravement compromis la stratégie d’apaisement voulue par Paris.

L’arrivée de Laurent Nuñez, plus discret mais réputé pour sa capacité d’écoute, pourrait ouvrir une nouvelle phase. En renouant les fils du dialogue, la France a l’occasion de reconnaître ses erreurs récentes et de revenir à une diplomatie fondée sur le respect, la coopération et la mémoire partagée.

Encore faudra-t-il que Paris assume pleinement la responsabilité de ses dérives passées et accepte que la relation avec Alger ne peut plus être gérée à coups de postures sécuritaires et de discours paternalistes.

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