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Avr

Interview de Abdelmajid Attar, ancien ministre des Ressources en eau : « L’attitude du Maroc de construire des barrages de manière intensive est illégale et vise à nuire à l’Algérie. »

Ancien Président directeur général de Sonatrach et ex ministre des Ressources en eau, Abdelmajid Attar répond aux questions de Cabsah Tribune sur l’enjeu de l’accès à l’eau dans la vallée de la Saoura en marge de la Conférence internationale sur l’eau qui se tient à Béchar.

Casbah Tribune : Abdelmajid Attar, l’enjeu de cette conférence internationale de l’eau est la menace de stress hydrique dans la vallée de la Saoura? Cela a-t-il un impact sérieux sur l’écosystème et l’environnement dans la région ?

Abdelmajid Attar : Absolument. L’enjeu global de cette conférence était justement de rassembler plusieurs chercheurs et universitaires spécialisés dans le secteur de l’eau, car aujourd’hui, tout le monde sait que la priorité numéro un n’est plus les hydrocarbures, mais bien l’eau.

La région concernée est celle du bassin de la Saoura et de sa vallée, ainsi qu’une large partie, voire la totalité, du bassin de Tindouf, s’étendant de la frontière du Sahara occidental jusqu’à Béchar. Ce qu’il faut comprendre, c’est que dans cette zone, il n’y a pas de nappe albienne – ce que peu de gens savent. L’Albien existe à Adrar et à In Salah, mais pas ici. Cela signifie que les seules ressources en eau disponibles sont les eaux souterraines locales, et elles sont très limitées.

Jusqu’à aujourd’hui, les habitants comptaient principalement sur les eaux superficielles : les précipitations locales et celles provenant du bassin versant partagé avec le Maroc. Or, le Maroc construit actuellement, de manière intensive et extensive, plusieurs barrages. Ils en ont le droit, bien sûr, mais à condition que ces infrastructures de rétention d’eau ne nuisent pas aux régions situées en aval.

Toute la région dépend des précipitations tombant sur l’Anti-Atlas et le bassin versant. Avec le temps, la vallée de la Saoura recevra donc de moins en moins d’eau, ce qui pose un problème grave.

L’attitude du Maroc est-elle légale ? Y’a-t-il des moyens de recours internationaux ?

Hier, nous avons écouté une présentation de juristes qui ont rappelé l’existence de textes et conventions internationales en matière de partage des ressources en eau. Mais encore faut-il que ces conventions soient ratifiées par les pays concernés. Or, la question est : le Maroc a-t-il adhéré à ces conventions ? Car si ce n’est pas le cas, il est très difficile d’agir. S’il existait une adhésion mutuelle, il serait possible de s’asseoir à la table des négociations, comme cela s’est fait entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan pour le Nil, ou encore entre la Chine et ses voisins, ou les pays d’Amérique du Nord.

Dans le cas présent, il existe un problème politique entre l’Algérie et le Maroc. L’Algérie n’est pas directement concernée par le conflit politique qui se joue au niveau des Nations Unies, mais pourquoi porter préjudice aux populations algériennes ? La rétention d’une grande partie des eaux du côté marocain va inévitablement nuire aux citoyens algériens. Pour moi, cette action vise à nuire à l’Algérie. 

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